L’exercice du droit de retrait dans le contexte du premier confinement lors de la crise Covid

Décision de justice
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Par un arrêt n° 22VE00860 du 7 juillet 2023, la Cour administrative d’appel de Versailles juge que l’exercice du droit de retrait par certains agents de La Poste dans les toutes premières semaines du premier confinement était justifié, eu égard au caractère anxiogène de cette période, aux incertitudes qui entouraient encore la maladie et aux modalités particulières de leur travail.

Toute journée au cours de laquelle un agent public n’accomplit pas ses obligations de service de manière injustifiée donne lieu à une retenue sur salaire pour absence de service fait. Il existe cependant une exception à ce principe lorsque l’agent a « un motif raisonnable de penser que cette situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé », expression désignant le droit de retrait.

Pendant les semaines initiales du premier confinement, plusieurs agents publics employés par la société La Poste, exerçant au sein de la plateforme industrielle du courrier de Paris Sud – Wissous, ont exercé leur droit de retrait. La Poste a alors décidé de procéder à des retenues sur la rémunération des agents concernés au motif que ces absences n’étaient pas justifiées sur le fondement du droit de retrait.

La Cour juge, compte tenu du caractère très particulier de cette période, et notamment du climat anxiogène lié à l’incertitude qui entourait alors cette nouvelle maladie, ainsi que des modalités de travail de ces agents, que ce retrait était justifié et ne pouvait donc donner lieu à retenue sur salaire, même en l’absence de faute commise par La Poste. La Cour confirme ainsi le jugement du tribunal administratif de Versailles du 17 février 2022.

La Cour a motivé sa décision en rappelant, tout d’abord, le contexte des évènements qui ont marqué les débuts de la gestion par les autorités gouvernementales de l’épidémie de Covid-19 en France et notamment l’annonce des premières mesures de confinement, l’interdiction de se déplacer hors de son domicile le 16 mars 2020 ainsi que la déclaration de l’état d’urgence sanitaire le 23 mars 2020, qui a conduit à la fermeture de nombreux services et établissements publics ainsi que de tous les commerces considérés comme non essentiels.

Ces décisions ont été prises dans un contexte de « saturation » de l’information concernant ce virus, marqué par la diffusion par les médias et par Santé publique France d’informations épidémiologiques quotidiennes retraçant le nombre de personnes testées positives, d’hospitalisations, ainsi que des décès imputables à cette nouvelle maladie, de nature à créer un climat particulièrement anxiogène.

La Poste a, au cours de cette période, pris de nombreuses mesures pour tenter de protéger ses agents : réduction du nombre d’agents présents en même temps, télétravail, aménagement des horaires de prises et de fin de service. Toutefois, les modalités de travail des agents de la plateforme impliquaient de maintenir une certaine proximité entre les personnes, de même que le recours à une navette de transport exigüe depuis et jusqu’aux transports en commun.

La Cour a par ailleurs relevé que les agents de La Poste de la plateforme industrielle courrier (PIC) de Paris‑Sud‑Wissous n’ont disposé de masques qu’à compter du 8 avril 2020 au soir et que le nombre de distributeurs de gel hydro-alcoolique n’était que de six dont trois dans le hall de production.

Dès lors et dans le contexte propre aux premiers jours du confinement, la Cour a jugé qu’en raison de l’insuffisance de ces mesures de prévention entre le 18 mars et le 10 avril 2020, les agents de ce centre de traitement du courrier avaient des motifs raisonnables de penser qu'ils se trouvaient alors dans une situation de travail présentant un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé en raison du risque d’exposition au virus de la covid‑19. L’exercice spontané par ces agents du droit de retrait de leur situation de travail était donc légal, de telle sorte que la société La Poste n’était pas fondée à procéder à des retenues sur leur rémunération.

 

La Cour n’a cependant retenu aucune faute de La Poste dans la mise en œuvre des actions de prévention alors préconisées par les autorités chargées de la lutte contre la maladie.