Les dispositions de l’article 3 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles ne sont pas conformes à l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme
Les propriétaires d’un appartement au 2ème étage d’un immeuble en copropriété situé à Versailles ont déposé une déclaration préalable de travaux pour la création d’un ascenseur dans cet immeuble. L’architecte des bâtiments de France ayant émis un avis défavorable à ce projet, le maire de Versailles s’est opposé à la déclaration préalable par un arrêté du 25 octobre 2017. Par un arrêté du 13 février 2018, le préfet de la région Ile-de-France a rejeté le recours des pétitionnaires contre l’avis défavorable émis par l’architecte des bâtiments de France. L’avis défavorable du préfet, qui s’est ainsi substitué à celui de l’architecte des bâtiments de France, est fondé sur la contrariété du projet avec l’article 3 des dispositions générales du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles.
Par un jugement du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé l’arrêté litigieux. Toutefois, par un arrêt n° 19VE03480, 19VE03514, 20VE01694 du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la commune de Versailles, annulé ce jugement et rejeté la demande formée par les propriétaires devant le tribunal administratif. Par une décision n°448894 du 26 avril 2022, le Conseil d’État statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi en cassation, a annulé l’arrêt du 19 novembre 2020 et renvoyé l’affaire devant la cour. Celle-ci a à nouveau statué sur cette affaire par un arrêt de ce jour.
L’article 3 des dispositions générales du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles identifie des « 3) Immeubles ou parties d’immeubles à conserver dont la démolition, l’enlèvement, la modification ou l’altération sont interdits » et précise que : « La conservation de ces immeubles est impérative : par suite, tous travaux effectués sur un immeuble ne peuvent avoir pour but que la restitution de l’immeuble dans son état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec son état primitif ». La question que la cour devait trancher portait sur la méconnaissance par ces dispositions de l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme.
La cour a relevé que le I de l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, issu de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, permet d’établir, sur tout ou partie d’un site patrimonial remarquable créé en application du titre III du livre VI du code du patrimoine, un plan de sauvegarde et de mise en valeur qui, sur le périmètre qu’il recouvre, tient lieu de plan local d’urbanisme. Le deuxième alinéa du II de l’article 112 de la loi du 7 juillet 2016 prévoit à cet égard que les secteurs sauvegardés créés, comme celui de Versailles, avant la publication de cette loi « deviennent de plein droit des sites patrimoniaux remarquables, au sens de l'article L. 631-1 du code du patrimoine, et sont soumis au titre III du livre VI du même code. Le plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé applicable à la date de publication de la présente loi est applicable après cette date dans le périmètre du site patrimonial remarquable ». Cette loi a aussi complété l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme par un III aux termes duquel : « (…) Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut (…) comporter l’indication des immeubles ou parties intérieures ou extérieures d’immeubles : (…) dont la démolition, l’enlèvement ou l’altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales (…) ». Elle en a déduit qu’il résulte des dispositions du III de l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme telles que modifiées par la loi du 13 décembre 2000, éclairée par les travaux parlementaires, que les plans de sauvegarde et de mise en valeur, s’ils peuvent identifier les immeubles ou parties intérieures ou extérieures d’immeubles dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est à soumise à des conditions spéciales, ne peuvent en interdire toute modification de façon générale et absolue.
Conformément à la décision du Conseil d’État du 26 avril 2022 mentionnée ci-dessus, la cour a jugé qu’il résulte des termes mêmes des dispositions de cet article 3 du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles qu’elles interdisent la modification des immeubles ou parties d’immeubles identifiés comme étant à conserver. En autorisant la seule réalisation, sur ces immeubles, de travaux en vue de la restitution dans leur état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec leur état primitif, elles ne sauraient être regardées comme permettant la modification de ces immeubles en se bornant à la soumettre à des conditions spéciales. Les dispositions de l’article 3 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune de Versailles méconnaissent ainsi l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme. La cour en a déduit qu’on ne pouvait fonder sur ces dispositions une décision faisant obstacle à la déclaration de travaux. La cour a donc confirmé l’annulation de l’arrêté litigieux prononcée par le tribunal administratif.
Toutefois l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Versailles ne remet pas en cause la faculté pour le maire de s’opposer à une déclaration de travaux ou de refuser la délivrance d’un permis de construire en se fondant sur les dispositions du code de l’urbanisme, notamment sur son article L. 632-1, ou sur des dispositions du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles, notamment celles de l’article SA9 de ce plan, ainsi que l’a récemment jugé la cour dans un arrêt du 29 juillet 2022 (n° 21VE02183) rendu sur la requête du syndicat des copropriétaires du 9 place Hoche.
L'arrêt est consultable ici