Arrêt n° 18VE03215 Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Sté Axxès, n° 18VE03216 Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Sté TMS, n° 18VE03219 Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Sté Eurotoll, n° 18VE03220 Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Sté DKV Euro Service
Ces quatre décisions sont relatives aux recours indemnitaires formés par les sociétés, dites « sociétés habilitées de télépéage », qui avaient contracté avec la société Ecomouv’ elle-même titulaire du contrat de partenariat passé par l’Etat en vue de la mise en œuvre du dispositif technique nécessaire à l’écotaxe poids lourds prévue par la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.
Ces quatre sociétés ont saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise de conclusions indemnitaires dirigées contre l’Etat pour obtenir réparation des préjudices ayant résulté pour elles de la résiliation du contrat de partenariat, prononcée le 30 octobre 2014, qui avait entraîné la résiliation de leur propre contrat. Condamné en première instance, l’Etat a fait appel des jugements du tribunal administratif.
Le tribunal administratif avait estimé que la résiliation du contrat de partenariat n’était pas justifiée par un motif d’intérêt général et que la responsabilité pour faute de l’Etat était engagée à l’égard des sociétés. Il résultait toutefois de l’instruction menée devant la Cour que le gouvernement avait décidé d’abandonner le dispositif d’écotaxe et de résilier le contrat de partenariat conclu avec la société Ecomouv’ en raison d’une opposition forte et durable rencontrée par ce projet, qui s’était traduite, au cours de l’automne 2013, par de graves troubles à l’ordre public et à laquelle les aménagements apportés au dispositif par la loi du 8 août 2014 n’avaient pas permis de mettre un terme, les acteurs économiques concernés ayant annoncé leur intention de reprendre leurs actions revendicatives à l’automne 2014. La Cour a jugé qu’en fondant ainsi la décision de mettre fin à la relation contractuelle, les pouvoirs publics avaient retenu un motif d’intérêt général de nature à justifier la résiliation de ce contrat, sans commettre de faute. La Cour a rappelé qu’il ne lui appartenait pas d’apprécier l’opportunité du choix ainsi effectué par le gouvernement.
Les sociétés recherchaient à titre subsidiaire la responsabilité sans faute de l’Etat. En effet, la responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu’une mesure légalement prise a pour effet d’entraîner, au détriment d’une personne physique ou morale, un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme une charge lui incombant normalement.
Pour s’opposer à l’engagement de sa responsabilité sur ce terrain, l’Etat soutenait que la résiliation du contrat de partenariat constituait, s’agissant d’un projet complexe, un risque prévisible et un aléa normal que les sociétés devaient anticiper. La Cour a cependant constaté qu’il ne résultait pas de l’instruction qu’à la date à laquelle les contrats des sociétés avaient été conclus, en avril 2012, un renoncement de l’Etat au projet « écotaxe », qui avait été prévu par une loi votée en décembre 2008 et pour lequel l’Etat avait, au cours des années suivantes, mené la procédure requise aux fins de passation d’un contrat de partenariat, conclu ce contrat de partenariat et prévu les conditions d’intervention des sociétés habilitées télépéage, pouvait être envisagé par ces dernières comme un aléa pouvant normalement survenir au cours de l’exécution de leur contrat. Dans ces conditions, la Cour a jugé que les préjudices qui résultaient pour les sociétés de la décision de résiliation du contrat de partenariat par l’Etat pour un motif d’intérêt général, excédaient, par leur importance et leurs conséquences, les aléas inhérents à leur activité et présentaient, compte tenu du rôle que jouaient ces sociétés dans la réalisation de ce projet, un caractère spécial. Ils revêtaient ainsi un caractère grave et spécial interdisant de les regarder comme une charge devant incomber normalement aux sociétés.
En conséquence, l’Etat est tenu de les indemniser même en l’absence de faute.
Retrouvez les arrêts 18VE03215, 18VE03216, 18VE03219 et 18VE03220.