Précompte mobilier : la Cour administrative d’appel de Versailles juge que le précompte mobilier n’est pas compatible avec la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’État membres différents
Par un arrêt n° 14VE02212 SOCIETE MERSEN du 3 décembre 2019, la Cour administrative d’appel de Versailles, statuant en appel sur un jugement [n° 0907558 du 23 mai 2014] du Tribunal administratif de Versailles qui avait été saisi par la société le Carbone Lorrraine, devenue la SOCIETE MERSEN d’une demande de décharge des sommes acquittées au titre du précompte mobilier au titre des années 2002 et 2003 et qui n’avait fait droit que très partiellement à cette demande, prononce la décharge de l’intégralité des sommes restant en litige. Elle juge que le précompte mobilier, prévu jusqu’au 1er janvier 2005 par l’article 223 sexies du code général des impôts méconnaît, en tant qu’il constitue une imposition directe prélevée lors de la redistribution par une société mère installée en France de dividendes provenant de filiales installées dans d’autres Etats de l’Union européenne, les objectifs de l’article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etat membres différents. Cette directive fait, en effet, obstacle à une telle taxation dans la mesure où la France, lors de sa transposition, a opté pour un régime d’exonération de telles redistributions. Ce faisant la Cour écarte notamment l’argumentation du ministre de l’action et des comptes publics selon laquelle le précompte était hors du champ d’application de cette directive, défini à son article 1er ou serait assimilable à une retenue à la source au sens de son article 5. La solution ainsi adoptée conduit la Cour à restituer à la société requérante l’intégralité des précomptes mobiliers qu’elle avait acquittés au titre des redistributions de dividendes provenant de filiales installées d’autres Etats de l’Union européenne.
Il sera relevé que par un arrêt du 15 septembre 2011 aff C-310/09 Accor, la Cour de justice de l’Union européenne, saisie par le Conseil d’Etat d’une question préjudicielle, avait déjà dit pour droit que le précompte mobilier n’était pas compatible avec la liberté d’établissement et la liberté de circulation des capitaux découlant des articles 43 et 56 du traité instituant la Communauté européenne et repris aux articles 43 et 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En application de cette jurisprudence le Conseil d’Etat par deux décisions du 10 décembre 2012 n° 317074 ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ société Rhodia et n° 317075 ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ société Accor avait accordé aux sociétés Accor et Rhodia des décharges d’impositions qui n’étaient que partielles au vu des principes d’application posés par la Cour de justice de l’Union européenne et des justificatifs réunis par les sociétés.
Mais la Cour a jugé que cette première incompatibilité avec le droit primaire de l’Union européenne ne faisait pas obstacle, contrairement à ce que soutenait en défense le ministre de l’action et des comptes publics, à ce que ce soit constatée une nouvelle incompatibilité avec le droit dérivé de l’Union dans la mesure où cette nouvelle incompatibilité est susceptible de conduire à une décharge totale et non seulement partielle des impositions en litige, à la différence de la première.
Pour mémoire, et en l’état des informations disponibles, l’ensemble des contentieux en cours relatifs au précompte mobilier sont provisionnés au budget de l’Etat pour un montant de 1,1 milliard d’euros.